Mécanisme créateur... bien que je n'aime pas le mot "créateur"
Le spectacle est un florilège d'extraits de pièces de Ionesco
Eligible au pass culture (Adage)
À propos de
La pièce :
LE ROI DES RHINOCÉROS
EST CHAUVE
Des extraits choisis de :
• RHINOCÉROS • LA CANTATRICE CHAUVE • LE ROI SE MEURT •
• L'IMPROMPTU DE L'ALMA • TUEUR SANS GAGE •
Le choix des extraits de la Cantatrice Chauve, (les Smith, les Martin, le Pompier) construits autour de situations aussi incongrues et surréalistes que comiques, soulignent en réalité, comme souvent chez Ionesco, des sujets autrement plus profonds, comme ici : l’incommunicabilité. Ces personnages sont ancrés dans la banalité du quotidien et ce qu’ils se disent n’a pas toujours de sens. Le langage devient personnage et prend le pouvoir sur l’individu.
Il nous paraît pertinent pour un public adolescent, de tenter de faire prendre conscience de cette difficulté à dire et à recevoir, cette absurdité du quotidien, noyée par des marées de mots qui ne servent pas à aller vers l’autre, mais qui peuvent, au contraire, isoler davantage.
Les codes imposés par l’actualité conduisent à une impasse.
On ne s’écoute plus, on ne se comprend plus tout en singeant un dialogue basé sur l’immédiateté repris par la masse. Il ne s’agit plus de réfléchir mais de réagir et de colporter.
Bien que datant des années 50, la résonance du sujet est plus que contemporaine, avec le développement de messages multi-directionnels et parfois sans réelles profondeurs reproduits par tous les supports numériques en temps réel.
Il n’est pas certain, hélas, que nos adolescents s’en sentent moins seuls pour autant…
Avec trois extraits de la pièce Rhinocéros, nous avons eu à cœur d’évoquer, avec les collégiens et lycéens, les dangers de la pensée unique. La grande force de cette pièce est d’être toujours d’actualité. Les mouvements de masse mettent à mal notre pensée singulière. Comment ne pas faire un parallèle avec la montée des tendances fascisantes dans le monde, mais également avec le véhicule des réseaux sociaux qui crée des « tendances », des « influenceurs », des modes de pensées normés auxquelles il faut adhérer au péril de son adhésion du groupe. La force de la conviction de la foule est une attraction irrésistible qui met à mal libre-arbitre et liberté individuelle.
Nous avons choisi trois extraits de Rhinocéros soulignant l’évolution des personnages : le premier passage du Rhinocéros dans une société organisée à laquelle il est « moral » de se soumettre ; la métamorphose de Jean contre toute attente, le « bien-pensant » conservateur ; et la scène finale qui montre une Daisy se transformant en Rhinocéros sans vraiment savoir pourquoi. Elle se dit simplement qu’il faut suivre le mouvement, car « c’est le monde qui a raison, ce n’est pas toi, ni moi », tandis que Béranger résiste en dernier homme qu’il devient, s’opposant courageusement aux amis, collègues, amoureuse pour assumer sa singularité imparfaite plutôt que de se fondre dans la masse.
Ce dernier extrait est croisé avec un monologue de La mère Pipe, personnage extrait de la pièce « Tueur sans gage », symbole ultime de la tyrannie manipulatrice du peuple.
Du « Roi se meurt », nous avons choisi deux passages : celui de Marguerite qui révèle sa vulnérabilité au Roi qui doit à présent se décider à mourir, et celui avec Juliette, qui met en scène un Roi désespéré qui reporte le moment fatidique de sa mort en gagnant coûte que coûte du temps, quitte à s’intéresser pour la première fois de sa longue existence à sa subalterne.
Un écho à la fatalité du destin, mais aussi à la décrépitude du pouvoir : même les puissants devront abdiquer face à la mort.
Ces moments à l’humour grinçant, bien que sans doute plus tragiques, insufflent au jeune public l’idée de la relativité du pouvoir en place mais aussi la fragilité de tous, comme une question existentielle et philosophique qui vibre de façon universelle : qu’importe la richesse, le matériel, la possession. Il ne s’agit plus d’avoir, mais de ne plus être.
De courts passages de la pièce « L’impromptu de l’Alma » ponctuent le spectacle, comme une mise en abîme du théâtre dans le théâtre, se moquant un peu d’un théâtre didactique et intellectuel. Ionesco se place comme un opposant au théâtre réaliste et le tourne en dérision. Ce fil conducteur nous a permis de lier les extraits de pièces entre elle, en s’interrogeant sur l’obsession de l’écrivain et sur sa mégalomanie. Mais l’auteur lui-même tombe dans son propre piège : il se veut libre de tout psychologisme et de toute morale, afin de rendre compte de la condition humaine dans son universalité, mais finalement ne peut que faire du théâtre engagé, sociétal et politique. Évidemment !
La mise en scène fait clairement référence à la pièce « Les chaises » par la scénographie symbolique composée uniquement de… chaises un peu malmenées ! Symbolisant alternativement intérieur cosy, terrasse de café, passage de rhinocéros, trône, scène de théâtre et solitude...
Le spectacle est conçu pour présenter l'auteur Ionesco de façon globale par un florilège de ses principaux textes dramatiques.
La pièce est conçue pour être jouée dans des établissements scolaires : sans régie et avec une installation et désinstallation très rapides.
Elle invite évidemment à créer des ponts entre les différentes matières enseignées au collège et lycée : littérature, philosophie, histoire, sociologie.
Nous pouvons prévoir un bord de scène à la fin de la représentation pour échanger avec les élèves et les enseignants sur la façon surréaliste qu’a Ionesco d’aborder toutes ces thématiques complexes.
